LES CONSÉQUENCES PRÉVISIBLES & IMPRÉVISIBLES DU BREXIT
RÉSUMÉ
Qu'est-ce que le Brexit ?
Le "Brexit" est mot-valise anglais composé de de "British Exit", évoquant la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, et faisant référence
au "Grexit", néologisme apparu durant l'été 2015 lors de la crise financière grecque.
A la différence du "Grexit", où la mise à l'écart de la Grèce de la zone euro (et non de l'Union Européenne) pouvait être envisagée comme une sanction
envers le pays, il s'agit dans le cadre du "Brexit" d'un départ volontaire de l'Union.
Historique
Alors que le Royaume-Uni intègre la Communauté Économique Européenne (CEE) en 1973, un premier référendum y est organisé dès 1975 pour déterminer si le pays doit rester au sein de ce marché
commun, conformément au manifeste électoral du Parti travailliste de 1974. Finalement, lors du référendum qui fut tenu le 05.06.1975, 67,09 % des votants se prononcent en faveur du «oui».
En 1983, le manifeste du parti travailliste réclame
un retrait de la Communauté Économique Européenne. Ils considèrent que les traités sont défavorables au Royaume-Uni, notamment en ce qui concerne le prix des denrées alimentaires
qu'ils estiment plus élevés au sein de la PAC que du Commonwealth.
Cependant le parti travailliste a depuis radicalement changé son approche (bien que les Démocrats libéraux restent à ce jour le parti britannique le plus pro-européen). Les Travaillistes
sont notamment satisfaits de la protection sociale garantie par l'Union européenne, qui est accrue depuis l'inclusion de politiques sociales depuis le traité de Maastricht.
À l'inverse, le parti conservateur – favorable à l’origine à
l'adhésion notamment pour des raisons économiques – est devenu plus eurosceptique. Cela résulte en une division du parti entre ceux favorables au retrait et qui dénoncent ce qu'ils estiment être une perte de souveraineté
économique et ceux favorable à une renégociation.
Pourquoi le Brexit ?
Lors de sa campagne pour briguer un second mandat de Premier ministre, David Cameron avait promis d'organiser, au plus tard en
2017, un référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l'Union Européenne. Promesse tenue, après un Conseil européen consacré à la question au mois de février
2016, le chef du gouvernement a annoncé que le référendum aurait lieu le 23 juin 2016.
Avec 51,9% des voix, c'est le camp du "Leave" qui l'a emporté le 23 juin 2016 (les résultats définitifs ont été publiés le matin du vendredi 24 juin). La participation a été supérieure à
72%, un record pour le pays. David Cameron, qui avait fait campagne pour le maintien du pays au sein de l'Union Européenne, a choisi de démissionner quelques jours après le résultat et a été remplacé par l'ancienne
ministre de l'Intérieur Theresa May en juillet 2016.
Le Royaume-Uni
s'apprête donc à quitter l'Union Européenne - un processus qui pourrait durer encore deux ans - voire plus - le temps de négocier de nouveaux accords avec l'UE.
Quelles voies sont ouvertes ?
L'article 50 du Traité sur l'Union Européenne
(TUE) prévoit l'hypothèse d'une sortie d'un Etat membre de l'Union Européenne. L'État qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil Européen.
L'Union Européenne négocie alors avec cet
État un accord fixant les modalités de son retrait, que le Conseil conclut ensuite à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement Européen.
Lors du Conseil Européen des 18 et 19 février 2016, un
accord "anti-Brexit" avait été trouvé. Il devait être appliqué
dans le cas d'un résultat du référendum favorable au maintien du Royaume-Uni dans l'UE.
Le 2 octobre 2016, la PM britannique Theresa May a annoncé que le Royaume-Uni activerait l'article 50 "d'ici à la fin mars 2017", qui marquera le point de départ des négociations conduisant à la sortie du pays de
l’UE. Près d'un mois plus tard, le 3 novembre, la Haute Cour de justice britannique a déclaré inconstitutionnelle toute utilisation directe de l'article 50 par le gouvernement sans un vote préalable du Parlement britannique.
Le 24 janvier 2017, la Cour suprême britannique a confirmé cette décision. Le gouvernement britannique devra consulter le Parlement de Westminster avant de lancer les négociations, mais pas celui des parlements écossais et
nord-irlandais.
Qui sont les négociateurs ?
Créé en septembre 2016, le "Groupe de travail article 50" de la Commission Européenne est chargé de préparer le terrain et de conduire les négociations avec le Royaume-Uni,
en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l'Union Européenne. Nommé dès le 27 juillet 2016 et en fonction depuis le 1er octobre 2016, l'ancien commissaire Michel Barnier est le négociateur
en chef et le responsable de ce groupe de travail. Une fois que la procédure de l’article 50 sera déclenchée, il nouera les contacts formels nécessaires avec les autorités britanniques.
Le président du Conseil Européen Donald Tusk
a nommé dès la fin du mois de juin le diplomate belge Didier Seeuws à la tête de la "task force Brexit" du Conseil. Entouré d’une équipe, il doit préparer les prochaines échéances et réfléchir
aux futurs scénarios possibles.
Enfin, l'eurodéputé belge Guy
Verhofstadt, président du groupe de l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe du Parlement Européen, prépare avec les groupes politiques une résolution
pour fixer les lignes de négociation des députés européens. Ce texte doit être adopté en mars 2017.
Outre-Manche, la nouvelle PM Theresa May mène les discussions sur la sortie de son pays de l’Union face à l'équipe de négociateurs représentant l'UE. Le
comité de négociateurs de Theresa May est composé de douze ministres conservateurs parmi lesquels le secrétaire d'Etat au Brexit David Davis, et le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson.
I. Les conséquences pour le Royaume-Uni
Ignorant les menaces de désastre économique brandies par les institutions internationales, les Britanniques ont donc décidé de quitter l'Union
Européenne. Ce pays devrait bientôt être atteint par les conséquences concrètes de son choix.
1.
Une tempête financière
Signe qui ne trompe pas, les marchés se sont précipités sur la valeur refuge par excellence, l'or. Le cours de l’once s’est envolé à l’heure des résultats
du référendum à son niveau le plus fort depuis deux ans. Et ce n'est probablement que le début.
2. Des années
de négociations avec ses partenaires commerciaux
Le
retrait de l’UE ne va se faire en quelques jours. Il devrait s’effectuer sur plusieurs années. Le Royaume-Uni perdra par définition le bénéfice des accords commerciaux passés par l’UE et ses partenaires
à travers le monde. Or, entre les conditions de sortie de l'UE, la négociation de nouveaux accords avec elle et les conclusions de traités commerciaux avec les pays extérieurs à l'UE, le gouvernement britannique a prévenu
qu'une bonne dizaine d'années pourraient être nécessaires pour mener à bien les diverses négociations ouvertes par un Brexit. Bref, le changement est acté, mais il sera long.
Le gouvernement britannique a choisi d'entamer les négciations avec des pays tiers en vue
du Brexit, en approchant en premier lieu les USA, dont l'approche politique hostile à l'égard de la construction européenne est bien connue (1). Le
nouveau président républicain Donald Trump a reçu, dès le 27.01.2017, à la Maison Blanche la Première ministre britannique Theresa May. Au cours de la conférence de presse qui a suivi, les deux
dirigeants ont mis en avant les points d'accord prochain entre les deux pays.
3. Les
britanniques seront tous plus pauvres
Les experts
du Trésor britannique ont étudié plusieurs pistes possibles de renégociation des traités. Dans leur scénario dans lequel le Royaume-Uni négocierait avec l'UE un accord de libre-échange similaire à
celui liant le Canada au bloc européen, chaque foyer britannique perdrait environ 4.300 livres de revenus par an (5.400 Euros). Selon leurs projections, le produit intérieur brut (PIB) du pays serait d'ici à 2030 inférieur de 6%
à ce qu'il aurait été en cas de poursuite de l'adhésion européenne. Mécaniquement, les vacances du touriste anglais seront aussi plus chères. Sans compter que le pouvoir d'achat des Britanniques en vacances
en Europe sera de facto réduit.
4. Un relèvement des
barrières douanières
Avec le
Brexit s’ouvre en réalité une longue période d'incertitude, ayant des conséquences pour les entreprises britanniques, le commerce et l'attraction des investissements. D'après l'OMC, les barrières commerciales
pourraient être relevées pendant cette période de transition, avec 5,6 milliards de livres (7,2 milliards d'Euros) par an de droits de douane supplémentaires à payer pour les exportateurs britanniques. Les secteurs manufacturiers
comme l'aéronautique, avec Airbus et BMW entre autres, n’apprécieront ccertainement pas ces nouvelles barrières tarifaires. Ils seraient ainsi incités faire leurs bagages.
5. Un pays moins attirant pour les investisseurs
De nombreuses Banques et entreprises utilisent le Royaume-Uni comme porte d'entrée vers l'Europe. Or certaines d'entre elles ont prévenu
qu'elles relocaliseraient leur siège européen en cas de Brexit.
6. Une recession économique en perspective
Entre les échanges commerciaux en berne et l'emploi en perte de vitesse, la croissance
britannique risque de se réduire considérablement. Le FMI envisage deux scénarios possibles : un «scénario limité» et un scénario «défavorable». Dans le premier cas, la croissance du
PIB de l’économie britannique ralentirait à 1,7% en 2016, puis à 1,4% en 2017. Dans le second cas, le Royaume-Uni tomberait carrément en récession en 2017 à – 0,8% avant de se redresser à + 0,6%
en 2018. Dans ce second cas, l’inflation grimperait à 4% en 2017 (au lieu de 1,9% prévu).
7.
Un chômage en hausse
La panne
de croissance que devrait enregistrer le Royaume-Uni aura incontestablement des conséquences sur l’emploi. Dans son «scénario limité», le FMI anticipe un taux de chômage à 5,3% en 2017, contre 5% aujourd’hui
et à 6,5% d'ici deux ans. Selon le cabinet PWC, le Brexit coûterait environ 129 milliards d’Euros de pertes d’activité, ce qui se traduirait par 950.000 emplois en moins d’ici à 2020, et une hausse du chômage
comprise entre 2 et 3%. Le secteur financier serait parmi les plus touchés. Si les Banques de la City de Londres perdent le droit de vendre sans entrave leurs services financiers depuis le Royaume-Uni vers les pays de l'UE, la cure d'amaigrissement
pourrait concerner une centaine de milliers d'emplois d'après la société de lobbying "TheCityUK".
8. Un manque à gagner fiscal
Cette panne de croissance redoutée devrait assécher les rentrées fiscales. L'Institut des études budgétaires (IFS) prévoit un manque à gagner annuel compris entre 20 et 40 milliards de livres d'ici à
2020. Et ce, même en tenant compte de l'arrêt de la contribution britannique au budget européen… Un sérieux coup/coût au budget britannique. Croissance en panne, recettes fiscales en baisse et échanges commerciaux
en berne, le cocktail est toxique. Déjà, le Royaume-Uni a perdu sa précieuse note AAA que L'agence de notation S&P lui attribue sans discontinuer depuis un demi-siècle.
9. Une fuite d'experts et des talents du championnat anglais
Si le Royaume-Uni n'arrivait pas à négocier un accord sur la libre-circulation des personnes au sein de l'espace européen, de nombreux experts
(notamment du monde économique et des finances) et même des joueurs de Premier League (la première division de football anglaise) issus de l'Union Européenne pourraient être contraints de quitter le pays. En effet, ils seraient
considérés comme extra-communautaires et devraient remplir certains critères très stricts pour pouvoir continuer à jouer dans leurs clubs respectifs.
10. L’intégrité du Royaume-Uni en tant que pays unifié en question
Les résultats du référendum sur le Brexit montrent un pays divisé, avec Londres, l'Ecosse et l'Irlande
du Nord qui voulaient rester, tandis que le nord de l'Angleterre ou le Pays de Galles ont largement voté contre. Des résultats qui risquent de mettre en péril l'intégrité du pays. Au Royaume-Uni, l'Angleterre pourrait voir
ses relations avec le gouvernement écossais, indépendantiste et europhile, se détériorer, un second référendum sur la sortie de l'Ecosse pourrait avoir lieu après le Brexit. Le gouvernement régional écossais
a publié le 20 octobre 2016 un projet de loi sur un nouveau référendum d'indépendance.
II. Les conséquences pour la France
Si des accords ultérieurs de libre-échange ne sont pas conclus avec l'UE, la France fera partie des six pays
les plus touchés par le Brexit selon le cabinet "Euler Hermes". Les entreprises françaises pourraient enregistrer jusqu'à 3,2 milliards d'Euros de pertes additionnelles à l'export d'ici 2019, dans le pire des cas. Soit tout de même
0,5% du total des exportations de biens et services.
Dr Angel ANGELIDIS
Bruxelles, janvier 2017
(1) Cette position est parfaitement reflétée dans la célèbre phrase «And, you know… Fuck the European Union» de Victoria
Nyland, secrétaire d'État assistant pour l'Europe et l'Eurasie durant l’administration Obama. Ses conversations téléphoniques avec l’ambassadeur des USA en Ukraine ont fait l'objet d'écoutes par les services secrets
russes durant les événements d'Euromaïdan en février 2014. Leur diffusion par un collaborateur du vice-Premier ministre russe a fait un scandale. Il convient de signaler le silence absolu de la britannique Catherine Ashton qui
était alors Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité pour l'Union européenne...
Sources :
http://www.directmatin.fr/monde/2016-11-14/13-consequences-concretes-du-brexit-732730
http://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-le-brexit.html
http://www.france24.com/fr/tag/brexit/
http://www.france24.com/fr/20170127-washington-donald-trump-theresa-may-affichent-leur-entente-rencontre
https://fr.wikipedia.org/wiki/Brexit
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9bats_sur_le_retrait_du_Royaume-Uni_de_l'Union_europ%C3%A9enne