Symptômes de la flavescence dorée : Grappes séchées.
LA FLAVESCENCE DORÉE DE LA VIGNE
Nom de la maladie : La «flavescence dorée» (FD) de la vigne.
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Agentpathogène : phytoplasme[1].
Il s'agit d'une petite bactérie dépourvue de paroi cellulaire et localisée dans le liber de la plante. C’est
un parasite strict, qui a besoin pour vivre d’utiliser l’activité métabolique des cellules qu’il infecte. Il circule dans la souche et s'y conserve à vie. Il se multiplie dans la vigne et dans la cicadelle (Scaphoideus
titanus) qui le transporte.
Cet insecte acquiert les phytoplasmes de la «flavescence dorée» lors de la prise
alimentaire sur une vigne infectée. Puis les phytoplasmes colonisent le corps de l’insecte et s’y multiplient. La croissance se fait dans les glandes salivaires, le tractus intestinal, l'hémolymphe, intra-cellulairement. Une période
de latence d’un mois est nécessaire pour que la cicadelle devienne infectieuse et transmette les phytoplasmes à une nouvelle plante, à chaque fois qu’elle se nourrit et ce jusqu’à sa mort. Il n'y a pas de transmission
des phytoplasmes à la descendance.
Le cycle des phytoplasmes dans le vecteur comprend le passage de plusieurs barrières
tissulaires qui nécessite des interactions entre les protéines du phytoplasme et de l’insecte. Le temps de latence avant la transmission varie de 10 à 45 jours suivant la température. L'acquisition des phytoplasmes est rendue
plus efficace par les larves du vecteur. Le phytoplasme peut également être transmis par le matériel végétal infesté.
- Origine
La maladie à phytoplasme serait originaire d’Europe puisque les dernières recherches génomiques montrent que des phytoplasmes analogues ont toujours été
présents au départ sur des plantes sauvages, telles que l’aulne et la clématite. Il y a plusieurs hypothèses pour expliquer le passage du phytoplasme des plantes sauvages vers la vigne.
Quoiqu'il en soit, la faible diversité génétique, la rapidité de propagation de la maladie au vignoble, ainsi que l’absence de différences
de virulence entre souches suggèrent que les souches prédominantes aujourd’hui en Europe ont été propagées par le transport de plants de vignes contaminés, relayé ensuite par la transmission de la «flavescence
dorée» de vigne en vigne par l’insecte vecteur.
L’insecte vecteur de la maladie, la cicadelle
(Scaphoideus titanus), est originaire d’Amérique du Nord (Grands Lacs des Etats-Unis). D’après les données historiques, la cicadelle a été accidentellement introduite d'Amérique du Nord en Europe au début
du siècle dernier. La région viticole de la côte Est des États-Unis est l’origine la plus probable des populations européennes. En Europe, il a été observé pour la première fois en 1958 dans
un vignoble du sud-ouest de la France et s'est répandue rapidement dans une grande partie du vignoble français, puis a colonisé l’Italie, la Suisse, le Sud et une grande partie du Centre de l'Europe.
L’introduction de la cicadelle pourrait être liée aux importations massives de bois de vigne depuis les États-Unis destinées
à lutter contre la crise du mildiou et la crise phylloxérique en Europe, et qui, dans leur grande majorité ont été effectuées avant 1930. Pendant cette période, un grand nombre d’œufs de Scaphoideus
titanus ont probablement été introduits à plusieurs occasions et en provenance de la même région du Nord des États-Unis.
La maladie à phytoplasme a été caractérisée pour la première fois en 1949 sur la vigne en Armagnac. Cette année-là, la flavescence dorée
ne concernait que très peu de ceps regroupés dans une zone géographique restreinte. La nature de la maladie n'a pas été immédiatement élucidée. Une des premières hypothèses émises
était que la flavescence dorée résultait d'une asphyxie des racines. Caudwell propose alors l'hypothèse d'une jaunisse à virus. Cette catégorie de maladie étant transmise par un vecteur animal, on a recherché
ce vecteur et trouvé la cicadelle (Scaphoideus titanus) en 1958 dans un vignoble bordelais. Ce n’est que quelques années plus tard que l'agent pathogène a été mis en évidence lorsque les techniques de microscopie
ont permis d’observer ces organismes de très petite taille, et grâce à la mise au point d’un système expérimental constitué d’une autre cicadelle et de la fève pour plante hôte.
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Plante-hôte
La Vigne.
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Vecteur : Scaphoideus titanus Ball (Insecta, Homoptera, Cicadellidae).
La cicadelle Scaphoideus titanus (anciennement Scaphoideus littoralis) est un insecte hémiptère piqueur suceur de la famille des Cicadellidae, sous-famille des Deltocephalinae. Il est principalement présent en Europe sur la seule
espèce de vigne cultivée (Vitis vinifera). C'est un insecte piqueur-suceur, qui n'occasionne pas de dégâts directs à la Vigne, mais qui propage la maladie en prélevant du phloème contaminé sur un pied
et en allant se nourrir sur un autre pied, où il procède à des injections de salive avant de prélever de la nourriture.
Noms communs : Cicadelle de la vigne (FR);
Vine leafhopper (GB); Amerikanische Rebzikade (DE) ; Cicadula de la vid (ES) ; Cigarrinha da vinha (PT); Cicadella della flavescenza dorata (IT).
Description - Biologie :
Adulte : 5-7 mm de long, corps de forme allongée,
de couleur ocre, tacheté de marbrures brunes sombres ; il apparaît fin juillet-début août et disparaît en septembre, après l'accouplement et la ponte.
Larve : de couleur blanc hyalin, aux 2 premiers stades, passe progressivement au jaune avec une
pigmentation brune sur l’abdomen puis le thorax, 2 points noirs à l’extrémité de l’abdomen ; elle passe par 5 stades d'une semaine chacun.
Œufs : L’œuf, bistre clair, mesure 1 mm, est allongé et aplati. Les œufs sont déposés
à la fin de l'été dans les anfractuosités de l'écorce par groupes de 10 à 12. Les 1ères éclosions débutent à la mi-mai et se poursuivent jusqu'en juillet.
Cycle de vie : 1 génération annuelle. Les études
récentes menées à Bordeaux ont montré que les températures hivernales froides ne sont pas indispensables à la levée de diapause et qu’elles affectent la proportion de mâles et femelles au cours du
temps, ce qui impacte la propagation de la maladie car les mâles ont une meilleure capacité de vection que les femelles.
- Les symptômes
La «flavescence dorée» est identifiable par observation simultanée de plusieurs symptômes sur un même rameau.
1. Sur feuilles
• Au printemps : retard au débourrement.
• Pendant l’été : rougissement pour les cépages rouges et jaunissement pour les cépages blancs. Ces décolorations sont plus ou moins bien délimitées
par les nervures. Ces dernières prennent une teinte jaune crème, les entre-nœuds se raccourcissent, la vigne prend un port pleureur. Les feuilles deviennent épaisses, rigides, cassantes et s'enroulent "en tuile" de façon plus
ou moins importante selon les cépages. L’intensité de ces symptômes peut varier d’un cépage à un autre.
Remarque : Comme un grand nombre d'insectes piqueurs-suceurs, Scaphoideous titanus montre une forte attraction pour le jaune. Il semblerait que cette attraction soit associée
aux jeunes feuilles en développement, plus riches en azote et donc potentiellement de meilleure qualité nutritionnelle pour l’insecte. La couleur verte exerce une attraction sur Scaphoideous titanus plus faible, mais quand même relativement
importante. L’attractivité de ces couleurs sur l'insecte se révèle cruciale dans la propagation de la flavescence dorée. Ainsi, les insectes sont plus attirés par les feuilles jaunies des cépages blancs atteints
de flavescence dorée, instaurant une sorte de cercle vicieux de contagion. Cette attractivité des plantes infectées pourrait en partie expliquer la propagation rapide de la maladie.
2. Sur rameaux
Les sarments n'aoûtent pas ou de façon partielle, ils restent verts et caoutchouteux ce qui donne un port retombant à la souche.
3. Sur inflorescences ou grappes
L'inflorescence se dessèche, la rafle et les baies flétrissent. Il suffit qu’un seul rameau présente ces symptômes pour que la souche puisse être considérée
comme contaminée. En effet, le phytoplasme n’est pas réparti de manière homogène dans le cep. A plus ou moins long terme, la souche infestée meurt.
Ces symptômes sont localisés sur une partie de la souche ou concernent la totalité du cep. Il existe aussi des variabilités selon :
- l'importance de la maladie ;
- la vigueur
du pied (état de stress hydrique ou de carence,...) ;
- le cépage (cabernet sauvignon et sauvignon, par exemple,
sont très expressifs alors que merlot et sémillon sont peu expressifs).
La flavescence dorée est une maladie
difficile à détecter car les trois symptômes caractéristiques apparaissent majoritairement en milieu de saison, pas forcément tous les ans, ni sur tous les rameaux. Surtout, ils sont identiques aux symptômes d'autres
jaunisses à phytoplasmes de la vigne telles que le bois noir.
L'observation simultanée de ces symptômes fait
présumer de la présence de la «flavescence dorée». Malgré tout, ce diagnostic visuel doit être confirmé par un test de laboratoire. En effet, comme d'autres maladies à jaunisses peuvent se manifester
par des symptômes similaires à ceux de la «flavescence dorée», il faut réaliser des tests de détection pour déclarer une zone contaminée. Il existe actuellement deux méthodes officielles (PCR
nichée et PCR en temps réel), qui permettent de détecter et distinguer les phytoplasmes du «bois noir» et ceux de la «flavescence dorée».
Les symptômes ne sont pas visibles l'année de l'infection (N), ils le seront au plus tôt l'année suivante (N+1) et parfois beaucoup plus tard (N+5). En conséquence,
des pieds apparemment sains peuvent héberger le phytoplasme et extérioriser des symptômes plus tard. De plus les vignes mères porte-greffe n'expriment pas de symptômes, les contrôles par sondage sont donc susceptibles
de laisser échapper dans la nature des plants infectés.
- Les impacts
Ils sont entièrement dus à l’agent responsable : le phytoplasme. Les dégâts directs par piqûre des larves et adultes du vecteur sont négligeables.
La «flavescence dorée» a une incidence économique importante sur le vignoble : elle occasionne des pertes de récolte et
compromet sa pérennité, car à plus ou moins long terme, les souches infestées meurent.
- Propagation
La maladie se développe par foyers et peut se propager rapidement. Les causes d'introduction du phytoplasme dans une parcelle sont :
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La plantation de plants contaminés.
Cependant, la «flavescence
dorée» n'est pas généralisée à tous les sarments portés par le pied mère de porte-greffe. Toutes les boutures ne seront donc pas forcément porteuses de phytoplasmes, ce qui rend ce mode de transmission
d’autant plus insidieux.
La maladie est conditionnée dans son extension géographique par les exigences de la cicadelle
qui a besoin à la fois d'un été assez long pour laisser apparaître les adultes et d'un hiver assez froid pour permettre la levée de la diapause. D'autre part, les insectes sont attirés par la couleur jaune des feuilles
contaminées par la «flavescence dorée», ce qui favorise la propagation de la maladie.
- Localisation
La maladie se concentre à la moitié sud de la France (Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Aquitaine). En Languedoc-Roussillon, la maladie est apparue en 1982, tout d’abord dans
l’Aude, puis dans les Pyrénées-Orientales. Depuis lors, la «flavescence dorée» prend de plus en plus d’ampleur dans les vignobles français. Si au début des années 1990 son développement
semblait s'être ralenti, l'apparition de nouveaux foyers en 1997, 1998 et 1999, notamment en Gironde, fait craindre une nouvelle recrudescence. La flavescence dorée a désormais atteint la Saône-et-Loire (où de nombreuses parcelles
ont dû être arrachées), la Bourgogne et les Bouches-du-Rhône. Sans prophylaxie adaptée, 80% du vignoble français serait touché en 2030.
La «flavescence dorée» est aussi présente dans les vignobles de tout le sud de l’Europe, du Portugal aux Balkans.
La maladie de la «flavescence dorée» de la vigne est de caractère épidémique avec une progression très rapide du nombre de ceps malades.
Cette caractéristique rend la lutte indispensable et obligatoire. Elle doit être collective pour être efficace.
- Lutte
Il n’existe aucun moyen de lutte contre l'agent responsable de la maladie de la «flavescence dorée», à savoir
le phytoplasme. Seule la protection préventive pour limiter l'extension de la maladie et la lutte essentiellement chimique (préparations à base de roténone et du pyrèthre) contre son vecteur, à savoir la cicadelle
(Scaphoideous titanus), est efficace.
La «flavescence dorée» a été déclarée maladie
de quarantaine par l'Union Européenne en 1993. Des décrets ministériels rendent obligatoire en France – et ce, depuis 1987 - la lutte contre la cicadelle vectrice dans les vignes mères de porte-greffes et de greffons sur tout
le territoire français, ainsi que pour les vignes en production dans les zones viticoles contaminées par la flavescence dorée. En 2013, 9 régions viticoles étaient concernées avec un périmètre de lutte
obligatoire de 440.000 hectares, soit 58 % du vignoble français.
En zone de lutte obligatoire, la lutte contre l’insecte
vecteur est obligatoire. Cette lutte systématique repose sur :
• La lutte insecticide contre le vecteur, 3 traitements
insecticides en période de végétation à des dates définies par le SRPV ou le SRAL. Ces trois traitements obligatoires posent des problèmes en Agriculture Biologique.
• La déclaration de tout cas de «flavescence dorée» et la destruction des plantes contaminées.
L’assainissement repose sur le repérage et l’arrachage les souches contaminées. La réglementation impose même l’arrachage complet
et la destruction par le feu des parcelles dont la proportion de ceps atteints dépasse un certain seuil (20 % en Languedoc-Roussillon).
Pour limiter les risques de dissémination, une surveillance annuelle des vignes mères de greffons est obligatoire, et toute souche malade doit être signalée auprès des services de contrôle avant arrachage
de la souche. Une destruction des lots de plants issus de cette parcelle par greffage l'année précédente pourra être ordonnée, avec comme alternative dans certains cas, leur traitement à l'eau chaude (50°C pendant
45 minutes) avant livraison aux viticulteurs. La vigne mère incriminée est alors placée en quarantaine et une nouvelle exploitation des bois ne sera possible qu'après 2 années d'absence totale de symptômes.
Réglementation
Le phytoplasme de la «flavescence dorée»
figure à l’annexe II, A, II de la Directive 2000/29/CE du Conseil du 8 mai 2000, qui stipule que :
"son
introduction et sa dissémination sont interdites sur le territoire de l’Union européenne, ce qui justifie l’adoption de mesures réglementaires destinées à mettre en circulation des plants présentant toutes
les garanties phytosanitaires".
Il figure par ailleurs à l’annexe A de l’arrêté
du 31 juillet 2000 établissant la liste des organismes nuisibles aux végétaux, produits végétaux et autres objets soumis à des mesures de lutte obligatoire, et est donc de lutte obligatoire en France de façon
permanente et sur tout le territoire. L’arrêté du 9 juillet 2003 relatif à la lutte contre la flavescence dorée et son agent vecteur précise les modalités de cette lutte sur tout le territoire
national. Enfin, chaque année un arrêté préfectoral organise la lutte obligatoire contre la ou les jaunisses de la vigne dans les départements concernés.
La lutte contre l'agent vecteur de la «flavescence dorée», Scaphoideus titanus, doit être réalisée au moyen d'un insecticide homologué ; les dates
d'applications sont précisées par le SRAL (Service Régional de l’Alimentation). Les propriétaires ou exploitants sont tenus de déclarer la présence de flavescence dorée ou de bois noir au Service Régional
de la Protection des Végétaux ou au Service Régional de l’Alimentation ou au maire de la commune.
Pour
faire face au fléau que représente la «flavescence dorée», de nouvelles règles encore plus strictes sont imposées aux producteurs depuis le 1er janvier 2014 : prospection et surveillance dans les vignobles, lutte
contre le vecteur, traitement à l’eau chaude des plants en fonction du risque (cf. arrêté du 19 décembre 2013, dans sa version consolidée au 01.01.2014).
Les recherches actuelles ont pour objectif de mettre en place des stratégies de lutte de type "push-pull" contre l'insecte vecteur et permettant une diminution
des intrants chimiques. La culture est rendue répulsive par utilisation par exemple du kaolin, tandis que des produits attractifs (par exemple des extraits végétaux de différentes espèces américaines de Vitis) permettent
d'attirer les ravageurs dans une zone pour les détruire de façon ciblée. Une autre technique de lutte possible contre la cicadelle consiste à émettre des vibrations créées artificiellement afin de perturber
la communication entre les deux sexes, le but étant que le mâle ne puisse plus localiser de femelles et qu'il n'y ait donc plus d'accouplements. On vise aussi sur l’utilisation d’ennemis naturels de la cicadelle, prédateurs
ou parasitoïdes. Les travaux de recherche portent également sur la recherche d’assemblages porte-greffe/greffon résistantes à la «flavescence dorée».
Dr. Angel ANGELIDIS
ex-Conseiller au Parlement Européen
chargé de l’agriculture, des forêts
et du développement
rural
Bruxelles, avril 2015
[1] Les phytoplasmes sont des bactéries
sans paroi et dépourvues de forme spécifique aussi appelés procaryotes (pléïomorphes) qui se se reproduisent dans le phloème des plantes et des insectes piqueurs-suceurs de phloème. Ils appartiennent à
la classe des Mollicutes. Les phytoplasmes sont des parasites intracellulaires obligatoires qui, comme la plupart des Mollicutes, présentent un petit génome inférieur à 1 Mpb. À leur découverte, ils ont été
nommés MLO (sigle de «Mycoplasma Like Organism») en raison de leur ressemblance (en microscopie électronique) avec les mycoplasmes.
Copyright: Dr. Angel ANGELIDIS, Bruxelles, 2015