L'ADHÉSION DE LA GRÈCE À LA CEE (1981)

La signature du Traité d'adhésion de la Grèce à Athènes (Zappeion Mégaron), le 28 mai 1979. Remarque 1: la signature fut possible grâce à l’examen produit par produit du secteur agricole qui bloquait l'avancement des négociations, exercice lequel a eut lieu sur proposition de la Grèce et en étroite collaboration avec les services techniques de la Commission, durant le mois de septembre de 1978, à Bruxelles. La contribution du Dr. Angel ANGELIDIS concernant la conception de cette manœuvre dans la stratégie générale de négociation, la réalisation de l’examen et la rédaction de ses conclusions techniques et politiques fut décisive. Remarque 2: sur la photo Georges Rallis, Constantin Karamanlis et Georges Contogeorgis (assis devant le bureau de gauche à droite). Remarque 3: le Dr. ANGELIDIS n’a pas été invité à la céremonie car il fut "oublié" par le gouvernement grec une fois les négociations terminées…

L'ADHÉSION DE LA GRÈCE À LA CEE (1981)

    

     La candidature d'adhésion de la Grèce a été déposée le 12 juin 1975. Consultée par le Conseil, la Commission a aussitôt manifesté une attitude relativement réservée à l'égard de la candidature grecque. Le 29 janvier 1976, la Commission a formulé son avis détaillé dans un rapport transmis au Conseil. Bien que consciente de l'importance politique de cet élargissement, la Commission a pointé surtout du doigt le retard économique de la Grèce (son PIB per capita était de 50 % inférieur à la moyenne communautaire) et de ses structures agraires archaïques par rapport aux neuf pays plus industrialisés qui composaient alors la Communauté économique européenne (CEE). La Commission a estimé que les disparités entre les structures économiques grecques et communautaires renderaient difficile l'application uniforme et immédiate de règles de fonctionnement d'un marché intérieur telles que celles prévues pour des économies développées. Plus de 26% de la population active grecque restait encore employée dans l'agriculture alors que le secteur primaire n'occupait plus que 8 % des actifs dans la Communauté. Certains produits agricoles grecs (huile d'olive, vin, fruits et légumes) vendus à bas prix risquaient par ailleurs de concurrencer des productions déjà excédentaires en Italie ou en France dans le cadre de la politique agricole commune (PAC); d'où la suggestion de la Commission d'établir une période transitoire de sept à huit ans pour les produits agricoles sensibles. La Commission craignait également de voir affluer sur le territoire des Neuf une abondante main d'œuvre grecque désireuse d'échapper au chômage chronique qui frappait le pays. Persuadée qu'une longue période de transition serait nécessaire pour permettre l'adaptation et l'intégration de l'économie grecque dans l'ensemble communautaire, la Commission proposait aux Neuf de fixer une période de pré-adhésion.

     Cependant la candidature grecque comptait sur le fort soutien de la France et aussi de l'Allemagne, deux des plus influents pays de la Communauté, pour des motifs politiques et économiques. Face aux hésitations de la Commission, les ministres des Affaires étrangères d'Allemagne, Hans-Dietrich Genscher, et des Pays-Bas, Max van der Stoel, décidèrent d'activer la décision politique et persuadèrent leurs homologues européens de répondre positivement à la demande grecque. Le 9 février 1976, le Conseil des ministres des Neuf accepta la candidature grecque sans donner suite à la proposition de la Commission européenne d'imposer une période probatoire de préadhésion.

     Les négociations d'adhésion ont commencé officiellement le 27 juillet 1976, se sont achévés le 23 mai 1979[1] et ont abouti à la signature du traité d'adhésion à Athènes le 28 mai 1979, qui est entré en vigueur le 1er janvier 1981. Une période générale transitoire de cinq ans a été prévue. Au terme de ce délai (31.12.1985), le pays devrait pouvoir s'intégrer dans l'Union douanière et aligner ses prix agricoles sur ceux de la Communauté. Certains aspects de l'adhésion, jugés plus sensibles par les Neuf, ont fait néanmoins l'objet d'une période transitoire portée à sept ans. Ainsi, la libre circulation des travailleurs grecs ou de certains produits agricoles, tels que les pêches et les tomates, ne pourrait être effective qu'à partir du 1er janvier 1988. Par contre, la dispense d'une certaine partie des versements au budget communautaire au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) - concession acquise à l'issue des négociations - permettrait à la Grèce d'être un bénéficiaire et non un contributeur net au budget communautaire.

     A peine acquise, l'adhésion de la Grèce fut cependant remise en cause par le nouveau gouvernement socialiste d'Andréas Papandréou, qui (conjointement avec le parti communiste de Grèce) a fait campagne ouverte contre l'adhésion du pays à la CEE et qui est arrivé au pouvoir après sa victoire aux élections du 18 octobre 1981. Ces exigences se sont avérées être une erreur politique majeure car elles ont suscité une amère déception parmi les autres partenaires de la Grèce à la CEE et généré un sentiment de méfiance de la CEE à l'égard du pays, qui devrait persister même si Papandréou a par la suite adouci, voire modifié sa position à l’égard de la CEE. Papandréou n'obtint pas la modification des règles fondamentales des Traités qu’il avait sollicitée. Cependant, pour aider le pays, la CEE  a concédé un accroissement des aides communautaires destinées à la Grèce, notamment sous forme des dénommés «Programmes Intégrés Méditerranéens» (PIM) [2]. Pourtant ces programmes et aides communautaires ne seront guère utilisés pour moderniser les structures de l'économie grecque, mais serviront à d’autres fins notamment politiques. En effet, certains membres des gouvernements successifs, entrepreneurs et autres milieux professionnels proches du PASOK [3] seront par la suite accusés pour détournement de fonds européens [4].

 


[1] Les négociations avaient longtemps achoppé sur le chapitre agricole, qui fut débloqué suite à l’examen produit par produit du secteur agricole grec, lequel a eut lieu sur proposition de la Grèce et en étroite collaboration avec les services techniques de la Commission, durant le mois de septembre de 1978 à Bruxelles. La contribution du Dr. Angel ANGELIDIS concernant la conception de cette manœuvre dans la stratégie générale de négociation, la réalisation de l’examen et la rédaction des conclusions techniques et politiques fut décisive. 

[2] Le PIM grec totalisait plus de 2 milliards d’ECU en tant que contribution communautaire (participation accrue des fonds classiques plus “argent frais”). J’avais alors contribué substantiellement à l’amélioration des aides européennes et des conditions de leur octroi, notamment au cours des réunions des Chefs de cabinet de la Commission auxquelles je participais. Malheureusement une grande partie de ces fonds n’a pas été investie (comme prévu) pour l’amélioration des structures agricoles grecques, mais fut détournée à des fins politiques par des dirigeants du PASOK.

[3] Le PASOK (en grec moderne: ΠΑ.ΣΟ.Κ., acronyme de "Πανελλήνιο Σοσιαλιστικό Κίνημα", FR - «Mouvement socialiste panhellénique» est un parti politique grec de gauche (social-démocrate), fondé par Andréas Papandréou le 03.09.1974 . Le PASOK est membre du Parti socialiste européen et de l'Internationale socialiste.

[4] Cf. les aveux de Theódoros Pángalos, ministre des Affaires n’apparait pas trangères (1996 - 1999) et vice-président (2009-2011) des gouvernements de PASOK: «Όλοι μαζί τα φάγαμε» (FR - «Nous les avons tous bouffé (les fonds) ensemble...». Ces aveux coléreux dans un langage de la rue ont fait un très large écho  à la presse, la société et le monde politique grecs.


 

Theódoros Pángalos: «Όλοι μαζί τα φάγαμε», (FR - «"Nous les avons tous mangé (les fonds) ensemble".

Theódoros Pángalos, assis dans son fauteil dans un état semi-dormant  au Parlement grec: «Όλοι μαζί τα φάγαμε», (FR - «"Nous les avons tous bouffé (les fonds) ensemble" [c.-à-d., nous sommes tous responsables de la dette]). Remarque: la photo montre qu'il était en train de fumer un cigare (le règlement du Parlement grec permet-il cette pratique?), mais on ne voit pas de cendrier sur le bureau; on pourrait donc en déduire que les cendres tombaient directement sur la moquette, une pratique peu respectable de la part d'un ministre...

The signing of the Treaty of accession of Greece to EEC in Athens (Zappeion Megaron), on May 28, 1979. Note 1: the signing was made possible through the product-by-product review of the agricultural sector which was blocking the progress of the negotiations. This review was decided on a Greek proposal, in close collaboration with the technical services of the Commission, and took place during the month of September, 1978, in Brussels. The contribution of Dr. Angel ANGELIDIS regarding the design of this maneuver in the overall negotiating strategy, the completion of the review and the drafting of its technical and political conclusions was decisive. Note 2: on the photo appear Konstantinos Karamanlis, Georgios Rallis, George Contogeorgis and Lorenzo Natali (seated in the front, from left to right). Note 3: Dr. ANGELIDIS does not appear on the photo as he was “forgotten” by the Greek Government once the negotiations finished…

THE ACCESSION OF GREECE TO EEC  (1981)

 

     The application for membership of  Greece was presented on June 12, 1975. Consulted by the Council, the Commission manifested a relatively reserved attitude towards Greek candidacy. On January 29, 1976, the Commission formulated its opinion detailed in a report transmitted to the Council. Athough aware of the political importance of this enlargement, the Commission pointed out mainly the economic backwardness of Greece (its GDP per capita was 50% lower than the Community average) and its archaic agrarian structures compared with the nine industrialized countries that made up then the European Economic Community (EEC). The Commission considered that the disparities between Greek and the EEC economic structures would make difficult the uniform and immediate enforcement of the functioning rules of an internal market such as those provided for developed economies. More than 26% of the Greek workforce was still employed in agriculture while the primary sector did not occupy more than 8% of the labor force in the Community. Some Greek agricultural products (olive oil, wine, fruit and vegetables) sold at low prices might also compete with already surplus productions in Italy or France in the context of the common agricultural policy (CAP); hence the suggestion of the Commission to establish a transitional period of seven to eight years for sensitive agricultural products. The Commission was also concerned by the possibility of a flow on the territory of the Nine of an abundant Greek workforce eager to escape the chronic unemployment that hits the country. Convinced that a long transitional period was needed to enable the adaptation and integration of the Greek economy in the whole Community, the Commission proposed to the Nine to set a pre-accession period.

     However the Greek candidacy relied on strong support from France and also from Germany, two of the most influential countries of the Community, for political and economic reasons. Faced with the hesitations of the Commission, the Ministers of Foreign Affairs of Germany, Hans-Dietrich Genscher, and Netherlands, Max van der Stoel, decided to activate the political decision and persuaded their European counterparts to respond positively to the Greek request. On February 9, 1976, the Council of Ministers of Nine accepted the Greek bid without giving effect to the proposal of the European Commission to impose a probationary pre-accession period.

     Accession negotiations began officially on July 27, 1976, ended May 23, 1979 [1], and led to the signing of the accession treaty in Athens on 28 May 1979, which entered into force the1St January 1981. A general transitional period of five years was foreseen. At the end of this period (31.12.1985), the country should be able to integrate into the Customs Union and align its agricultural prices on those of the Community. Some aspects of accession, deemed most sensitive by the Nine, were nevertheless subject to a transitional period extended to seven years. Thus, the free movement of Greek workers or certain agricultural products such as peaches and tomatoes would be effective as from January 1, 1988. On the other hand, the exemption of restitution to the EEC budget of a certain part of the value added tax (VAT) payments - concession acquired at the end of the negotiations - also allowed Greece to be a beneficiary and not a net contributor to the EU budget.

     Just acquired, the accession of the Greece was however questioned by the new socialist Government of Andreas Papandreou, which (jointly with Communist Party) campaigned strongly against accession of the country to EEC and which came to power after the elections of October 18, 1981. The new Greek government required derogations from the Treaties and increased financial aid to remain within the Community. These requirements proved to be a major political error as they aroused a bitter disappointment among Greece's other partners in the EEC and generated an EEC feeling of distrust towards the country, which was to remain even though Papandreou subsequently softened and even changed his originally negative position towards EEC. Finally, Papandreou did not obtain the modification of the fundamental rules of the Treaties he requested. EEC, however, to the interest of the country conceded to provide an increase in Community aid for Greece, namely by the means of the so called “Mediterranean Integrated Programs" (PIM)[2]. However, these aids were hardly used to modernize the structures of the Greek economy and important sums are believed to have been destined for other namely political purposes. Indeed, several members of the PASOK[3] Governments, entrepreneurs and other friendly to PASOK business circles were subsequently charged for misappropriation of European funds[4].



[1] The negotiations were long stalemating on the agricultural chapter, which only progressed following the in depth review product-by-product of the Greek agricultural sector, which occurred on a Greece's proposal and in close collaboration with the technical services of the Commission, during the month of September of 1978, in Brussels. The contribution of Dr. Angel ANGELIDIS regarding the design of this manoeuvre in overall negotiating strategy, the completion of the review and the drafting of technical and policy conclusions was decisive.

[2] The Greek PIM totaled more than 2 billion ECU as a Community contribution (participation of conventional funds plus “fresh money”). I had then contributed substantially to improving European aid and the conditions of their granting, especially during the meetings of the Chiefs of Cabinet of the Commission that I attended. Unfortunately a large part of these funds was not invested (as expected) for the improvement of the Greek agricultural structures, but was misused for political purposes by PASOK leaders.

[3] “Panhellenic Socialist Movement” (in modern Greek: Πανελλήνιο Σοσιαλιστικό Κίνημα, abbreviation ΠΑΣΟΚ - PASOK), founded on 3 September 1974, by Andreas Papandreou as a democratic socialist party.

[4] Cf. confessions of Theodoros Pangalos, Minister of Foreign Affairs (1996-1999) and Vice President (2009-2011) of the PASOK Governments: «Όλοι« μαζί τα φάγαμε» (ΕΝ - "We all ate them (the funds) together [i.e., we are all responsible for the debt])".


 

Members of the PASOK government during the 2009 budget debate at the Greek Government. First row, from left to right: 1st: Theodore Pangalos, 3nd: George Papandreou; 4th: Costas Simitis.

Commentaires

21.04 | 19:00

trop top..... on va dans la region cet été… merci à vous...

13.01 | 15:03

God save the queen

08.01 | 17:39

Grand merci pour la leçon d'histoire.
Nguyen Van Kiet

29.09 | 15:00

remarquable de précisions et donne l'idée générale de la ruse de guerre pour mieux répartir ses forces.