UKRAINE - ENJEUX

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Le Général russe Nikolaï Fiodorovitch Vatoutine (en russe : Николай Федорович Ватутин) fut un brillant général soviétique durant la 2ème guerre mondiale. En 1940, sous les ordres de Gueorgui Joukov, il s'empare de la Bessarabie appartenant à la Roumanie. La même année, pour le récompenser de cette campagne, Staline le fait général de corps d'armée et le nomme au poste important de président du conseil d'administration opérationnel de l'état-major. Le 30 juin 1941, il est nommé au poste de chef d'état-major du front du nord-ouest et y démontre ses meilleures qualités. En janvier 1942, pendant l'offensive d'hiver de l'Armée rouge consécutive à sa victoire dans la bataille de Moscou, Vatoutine prend au piège deux corps d'armée allemands à Demiansk, réalisant ainsi le premier encerclement d'importance de troupes allemandes. De mai à juillet 1942, Vatoutine occupe brièvement le poste d'adjoint du chef de l'état-major de l'Armée rouge, jusqu'à ce que les Allemands déclenchent leur offensive d'été de 1942 (opération «Fall Blau»). Le 1er juillet 1942, Staline envoie Vatoutine, comme représentant de la Stavka avec les pleins pouvoirs sur le front de Briansk, qui est rebaptisé, quelques jours plus tard, front de Voronej et placé sous les ordres de Vatoutine. Le 22 octobre 1942, Vatoutine se voit confier le commandement du tout nouveau front du sud-ouest, qui, un mois plus tard, sera le fer de lance de l'opération «Uranus», la contre-offensive soviétique qui aboutit à l'encerclement de la 6e armée allemande dans Stalingrad. En décembre 1942, développant l'offensive sur le Don, les troupes de Vatoutine encerclent et anéantissent la 8e armée italienne, forte de 130.000 hommes, lors de l'opération «petit Saturne», ce qui contribue à l'échec de l'opération «Wintergewitter» de von Manstein, destinée à secourir la 6e armée allemande. Le 28 mars 1943, Vatoutine prend le commandement du front de Voronej en préparation de la bataille de Koursk. Lors de cette bataille (05.07 au 23.08.1943), Vatoutine identifie la direction («Schwerpunkt») de l’offensive allemande et parvient à résister à l'avancée de von Manstein sur le flanc sud du saillant dont les forces avaient pourtant la supériorité technique. Il rejette la hiérarchie conventionnelle des armées, son déploiement innovateur lui permet, non seulement de se défendre adroitement contre les meilleures unités de la Wehrmacht, mais aussi de passer rapidement de la défense à l'offensive. Après la victoire soviétique à Koursk, Vatoutine prend par surprise von Manstein, qui croyait que l'Armée rouge était trop faible pour poursuivre son offensive, et s'empare de Belgorod. La cible suivante de Vatoutine est Kiev. Le 20 octobre 1943, le front de Voronej est rebaptisé premier front ukrainien. Vatoutine entreprend un regroupement secret avec un plan imaginatif et trompeur. Ses troupes surprennent von Manstein, attaquant les Allemands depuis des directions inattendues et, le 6 novembre 1943, la ville de Kiev est libérée. Vatoutine exploite sans relâche sa victoire à Kiev pour s'enfoncer en profondeur dans les défenses allemandes. Le 28 février 1941, Vatoutine, qui procède à un regroupement complexe pour une nouvelle opération, est pris en embuscade par des insurgés de l'armée insurrectionnelle ukrainienne loin derrière les lignes de front. Il meurt de ses blessures à l'hôpital six semaines plus tard. Son influence sur la planification stratégique, opérationnelle et technique de l'Armée rouge se poursuit après sa mort. Vatoutine est reconnu comme l'un des généraux russes les plus créatifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

 L’UKRAINE AU CŒUR DES ENJEUX GÉOÉCONOMIQUES ET GÉOPOLITIQUES

  

L’enjeu géoéconomique

     De par sa position géographique stratégique, l'Ukraine est un pays clé de l'approvisionnement gazier européen. Un quart du gaz consommé au sein de l'UE provient en effet de Russie et 60% de ce dernier transite aujourd'hui par l'Ukraine. Le gaz russe y transite via un réseau complexe de pipelines, dont le fameux Druzhba, pour alimenter le marché européen, au travers  de l'Allemagne (24%), les pays de l'Europe de l'Est (24%) et dans une moindre mesure l'Italie (11%), la France (6%) et la Grande Bretagne (6%). Cette position stratégique a néanmoins déjà été un problème, notamment lors des "guerres gazières" russo-ukrainiennes de la fin des années 2000 où les sanctions prises par Moscou à l’encontre de Kiev ont eu des répercussions jusqu’en Allemagne. A cette époque la coupure d’approvisionnement vers les pays d’Europe centrale et orientale a fait réfléchir tant leurs gouvernements que la Russie sur des solutions alternatives à cet acheminement gazier par voie terrestre. Côté est-européen des politiques de diversification des énergies - vers le nucléaire et notamment vers des ressources renouvelables - ont été envisagées et côté russe s’est développée l’idée de contourner l’Ukraine. C’est ainsi que la Russie a décidé, en partenariat avec certains pays européens dont l’Allemagne, de créer deux routes alternatives, l’un sous la Baltique, Nord Stream, et l’autre sous la Mer Noire - South Stream - pour diminuer la dépendance géographique au trajet ukrainien.

     Toutefois, la Russie est loin de ne fournir que du gaz à l’Europe. Elle exporte également du pétrole -  85 % du pétrole russe est exporté vers l’Europe  - et surtout des métaux stratégiques indispensables aux industries occidentales comme le titane, le rhodium, le palladium, le manganèse, etc. De même la Russie est redevenue depuis quelques années un très important producteur et exportateur de blé.

     Quant à l'Ukraine, elle importe 60 % de son gaz de Russie, malgré ses propres ressources. Le pays possède en effet une industrie très gourmande en gaz, dont certains secteurs, comme la métallurgie, dépendent intégralement du gaz russe.  Pour la Russie, l’Ukraine est un pays assez important du point de vue économique. Selon les chiffres de 2012, 5,2 % du total des exportations russes vont vers l’Ukraine, et 5,7% des importations russes viennent de ce pays. Dans l’autre sens, on constate que l’Ukraine est très liée à Moscou : le tiers de son commerce extérieur se réalise avec la Russie.

     Vladimir Poutine poursuit un objectif économique majeur à ses yeux : créer une union eurasienne en 2015. Ce serait pour lui un pôle de puissance très fort pour dialoguer avec l’Union européenne sur un pied d’égalité.  Et si l’Ukraine, grande comme la France, n’en fait pas partie, l’union ne comptera, à côté de la Russie, que des petits pays, comme la Biélorussie, l’Arménie, le Tadjikistan ou le Kirghizstan. Donc pour la Russie, tout le poids politico-économique de l’Ukraine réside dans ce projet.

     Pour l’Europe, en revanche, l’Ukraine ne représente pas un enjeu économique.

 

L’enjeu géopolitique

     Cependant, pour la Russie la question ukrainienne est avant tout un élément géopolitique et non pas géoéconomique.

     En Ukraine, la Russie considère qu'elle est dans son pré carré. Le «passage à l'ouest» d'une partie du l'ex-bloc soviétique à l'issue de la chute de l'URSS a été vécu par la Russie comme une humiliation. L'Europe n'a aujourd'hui aucun intérêt à forcer l'histoire politique des quelques pays qui font encore partie du «bloc russe» et qui sont devenus des enjeux symboliques et géostratégiques de premier plan au yeux d'une Russie décidée à mettre un coup d'arrêt à ce qu'elle perçoit comme un encerclement par «l'Occident». En donnant le sentiment de se jeter sur l'Ukraine comme si son salut et son avenir se jouaient entre le Bien européen et le Mal russe, l'Union Européenne commet une double erreur: celle de copier maladroitement la politique étrangère américaine, mais sans disposer des mêmes instruments de puissance, et celle de radicaliser le conflit ukrainien.  C'est un jeu géopolitique de taille, sauf que l'Union Européenne n'en mesure pas toujours la gravité.

     La méconnaissance des bureaucraties occidentales de la réalité ukrainienne, historiquement imbriquée à l'histoire russe, éclate aujourd'hui comme une évidence. Profitant de l'élan initial des protestations de rue, contre «un autocrate corrompu, aux soldes de Moscou», les opposants politiques les plus divers et extrêmes ont réussi leur coup d'Etat, recouvert du vernis légitime d’une étrange «révolution libérale», soutenue par les élites occidentales mais infiltrée par des éléments extrémistes. Ces derniers semblent avoir provoqué consciemment les terribles massacres – avec l’aide de snipers professionnels pour accélérer les événements. Subordonnée à la réalisation d'un objectif politique précis, centré sur l’élimination du président légitime, cette stratégie communicationnelle de la coalition anti-Ianoukovitch a été patiemment construite, indépendamment de ses coûts. Tendanciellement, un des coûts collatéraux de cette stratégie a été de réveiller les mouvements radicaux, extrémistes et néofascistes, teintés d'un vernis nationaliste. Il convient de rappeler qu’en mars 1944, les insurgés de l'UPA - branche militaire de l'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) dont le principal objectif était l'indépendance totale de l'Ukraine - blessèrent mortellement, derrière les lignes de front, le commandant du 1er front ukrainien et héro des batailles de Stalingrad et de Koursk, Général Nikolaï Vatoutine qui avait libéré Kiev le 6 novembre 1943. Lors des émeutes de Kiev du 18 février 2014, un étendard de la division SS Galicie a été fièrement brandi par les manifestants. Cet acte abject, condamné par Moscou, n'a guère été dénoncé par l'Union Européenne et ses démocrates dirigeants. Une telle évolution s'inscrit dans une tendance plus globale à réécrire l'histoire et à glorifier le nazisme dans certaines régions européennes, orientales et baltes.

     Face à l'inflexion nationaliste et anti-russe de la nouvelle ligne «révolutionnaire», la peur gagne désormais le camp des minorités ethniques qui vivent en Ukraine.

     C'est cette nouvelle légitimité ukrainienne qui est remise en cause par l'autre partie du peuple ukrainien, jusqu'à présent curieusement oubliée par la pensée unique relayée par les médias, et qui constate, impuissante, l’arrivée de «nationalistes» nostalgiques du nazisme aux responsabilités gouvernementales de l’Ukraine. Après les fausses «révolutions colorées» d'inspiration libérale, frappant dans les années 2000 la périphérie post-soviétique et plaçant des dirigeants pro-américains à la tête des Etats géorgien, ukrainien et kirghize, la «révolte de Kiev» apparaît au final comme un sous-produit d'un modèle déjà expérimenté et prolongé, récemment, au Moyen Orient, principalement en Libye et en Syrie. A la base de ce modèle «révolutionnaire», se trouve une stratégie de désinformation permettant la justification du processus politique conduisant au renversement d'un régime hostile (ici, celui de Ianoukovitch) et, surtout, à l’arrivée de dirigeants politiquement corrects (ici, pro-européens). Depuis la «croisade» américaine de 2003 en Irak, ce scenario s'inscrit dans une redoutable permanence : G.W. Bush lui-même, avait alors reconnu, que la première guerre à gagner était «celle de l'information»…

     La seconde «révolution de Sébastopol», haut lieu historique et symbole politique de la vieille Russie, vise à contrebalancer la première «révolution de Kiev» et n'est qu'un juste retour des choses,  dans le prolongement d’une jurisprudence initiée par les propres occidentaux lors  l’indépendance du Kosovo en 2008.

     A terme, au-delà d'un inévitable redécoupage géopolitique de l'Ukraine  – dont la sécession de la république autonome de Crimée – selon l'ancien clivage Est/Ouest, c’est bien l’extension de l’axe OTAN-USA via l’UE, contre les intérêts russes, qui se joue. L'Ukraine est au cœur d'une lutte d'influence sur le continent eurasien.

     L’enjeu implicite de la «révolution d’Ukraine» est le contrôle par l'axe euro-atlantique d’un espace stratégique, sur les plans politique et énergétique. Cette dimension stratégique du pays est renforcée par sa position intermédiaire («pivot»), entre l'Europe et la Russie – sans oublier la base russe de Sébastopol, permettant un accès aux mers chaudes.

     A terme, c’est donc l’extension des zones d’influence qui se joue, entre les puissances russe et américaine. Cette configuration géopolitique replace l'Europe – et, naturellement, l'Ukraine – au centre du jeu, c’est à dire au cœur de la partie d'échecs conduite sur le vaste continent eurasien, entre les deux anciennes superpuissances de la Guerre froide.

     Dans cette optique, la «révolution d’Ukraine» alimente la stratégie de reflux de la puissance russe, initiée par le bloc occidental – via l'axe OTAN/USA –, depuis la chute de l'Union soviétique en décembre 1991. A terme, il s'agit de réduire la puissance russe et de l'affaiblir sur sa ceinture périphérique, en vue de renforcer l'Europe «démocratique» et, dans le même temps, dissuader toute velléité de «retour impérial» de l'ancienne puissance communiste. Cette obsession de la politique étrangère américaine, qui considère l'Ukraine comme le cœur de cette reconstruction impériale, est traduite par l'analyse fondatrice de Z. Brzezinski, conseiller inaltérable des derniers présidents américains, depuis la fin des années 70.

     Dans son fameux livre de 1997 «Le Grand échiquier», ce dernier conclut notamment qu' «(…) aucune restauration impériale, qu'elle s'appuie sur la CEI ou sur un quelconque projet eurasien, n'est possible sans l'Ukraine.». Une conclusion très claire, en prise avec l'actualité.

     Au sens de Brzezinski, l'Ukraine est un «pivot géopolitique», c'est à dire un Etat dont le pouvoir géopolitique est fondamentalement lié à sa capacité de nuisance sur des acteurs majeurs (régionaux et internationaux). Le contrôle de l'Ukraine est donc essentiel pour contenir le retour russe.

     Dans la mesure où l'Ukraine se trouve à un carrefour stratégique sur la base de la trajectoire des tubes énergétiques et des grands axes politiques du continent eurasien, elle devient une sorte de super pivot : «un nœud géostratégique». Ce statut stratégique de l'Ukraine est renforcé par le fait qu'elle est potentiellement ciblée, d'une part, par l'extension programmée de l'OTAN aux ex-républiques soviétiques (en violation des promesses de 1989 faites à Gorbatchev) et, d'autre part, par l'implantation future du bouclier anti-missiles américain (ABM, déjà envisagée par l'administration de G.W. Bush). En effet, à partir du moment où l'Ukraine adhère à l'OTAN, rien ne s'opposera plus à l'extension du bouclier ABM à cette dernière et donc, aux portes de la Russie – d'autant plus si l'administration républicaine revient au pouvoir. Or, en aucun cas la Russie ne pourra accepter à ses frontières, la présence d'un système anti-missiles neutralisant, en partie, sa puissance nucléaire stratégique.

     Ainsi, l'Ukraine se retrouve au cœur d'une lutte bipolaire pour son contrôle, qui déterminera, dans une large mesure, l'avenir du continent eurasien et par suite, selon Brzezinski, l'évolution géopolitique du nouvel ordre mondial.

     À travers cette lutte, c'est l'extension et le rôle de l'Europe politique qui se joue et, en son sein, le statut de la Russie post-soviétique. Mais, par ricochet, c'est aussi la fonction de l'axe OTAN/USA dans la future structure politico-sécuritaire européenne qui est en jeu. Ce qui, dans ses grandes lignes, peut expliquer  la stratégie américaine en Ukraine, c’est-à-dire la mise en place d’une structure de sécurité transeurasienne intégrant Kiev, verrouillée par Washington et marginalisant la Russie.

     Par son ingérence irréfléchie et dangereuse sur le plan politique, l’Europe a poussé la «révolution de Kiev» à franchir la ligne rouge dénoncée par le président Poutine et, en cela, elle est directement responsable du retour de la question de Crimée.

     Malheureusement la présidence grecque du Conseil de l’Union Européenne (1er semestre de 2014) n’a pas su contrecarrer les prises de position de l’Union Européenne durant la crise ukrainienne, sans doute à cause de l’affaiblissement politique de la Grèce en conséquence de la crise financière grecque de ces dernières années.

 

Dr. Angel ANGELIDIS

Bruxelles, le 23 mars 2014

 


 

Sources :

-          La Crimée dans la mémoire russe.  http://www.histoire.presse.fr/actualite/infos/crimee-memoire-russe-20-03-2014-87830

-          L'Ukraine, enjeu d'une nouvelle guerre froide où l'Europe n'a pas sa place http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2014/02/21/31002-20140221ARTFIG00089-l-ukraine-enjeu-d-un-nouvelle-guerre-froide-o-l-europe-n-a-pas-sa-place.php

-          La révolution d’Ukraine, et après? Les enjeux du référendum

http://www.humanite.fr/la-revolution-d-ukraine-et-apres-les-enjeux-du-ref-561100

-          http://histoire-militaire.pagesperso-orange.fr/infanterie/gustav.htm

-          wikipedia


 

Balance commerciale de l'Ukraine.
Ukraine - routes du gaz.
En mars 2014, lors de la crise de Crimée, le Parlement criméen, au terme d'un référendum unilatéral — car ne reconnaissant pas les nouvelles autorités provisoires à Kiev, qui elles ne reconnaissent pas le référendum en retour — proclame la sécession de la République de Crimée puis sa réintégration à la Russie en tant que sujet fédéral.
L'hypocrisie des occidentaux...

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Copyright: Dr. Angel ANGELIDIS, Brussels, November 2013.

 


 

Commentaires

21.04 | 19:00

trop top..... on va dans la region cet été… merci à vous...

13.01 | 15:03

God save the queen

08.01 | 17:39

Grand merci pour la leçon d'histoire.
Nguyen Van Kiet

29.09 | 15:00

remarquable de précisions et donne l'idée générale de la ruse de guerre pour mieux répartir ses forces.