Die Panzerkreuzer "Goeben" und "Breslau" vor Messina (1914). Artist: Willy Stöwer (1864 - 1931).
À LA POURSUITE DU "GOEBEN" ET DU "BRESLAU" (04 - 10.08.1914)
Quand la première guerre des Balkans éclate
en octobre 1912, l'état-major allemand a déterminé qu'une Division navale de la Méditerranée («Mittelmeer-Division») de la Marine Impériale Allemande («Kaiserliche Deutsche Marine»)
était nécessaire pour projeter la puissance allemande en Méditerranée et a donc dépêché le croiseur de bataille «Goeben» et le croiseur léger «Breslau» à
Constantinople. Les deux navires ont appareillé de Kiel le 4 novembre et sont arrivés le 15 novembre 1912. Commençant en avril 1913, «Goeben» a visité de nombreux ports méditerranéens, notamment
Venise, Pola et Naples, avant de naviguer dans les eaux albanaises. Suite à ce voyage, «Goeben» revient à Pola (péninsule d’Istrie) et y reste du 21 août au 16 octobre pour l'entretien. Le 29 juin 1913,
la deuxième guerre balkanique éclate et la Division de la Méditerranée est retenue dans la région. Le 23 octobre 1913, le contre-amiral Wilhelm Anton Souchon assume le commandement de l'Escadron. Le «Goeben»
et le «Breslau» poursuiviront leurs activités dans la région méditerranéenne jusqu’au déclenchement de la première Guerre Mondiale.
Le 3 août 1914, Souchon sortait de l’Adriatique en faisant route avec ses deux bâtiments vers Bonifacio, puis changea de cap pour la
côte algérienne. L'amiral Augustin Boué de Lapeyrière, qui commandait les Forces navales Françaises en Méditerranée, était au courant du départ des navires allemands. Il fit appareiller ses forces
de Toulon en direction des ports algériens de Philippeville (Skikda), Bône (Annaba) et Bougie, mais les bâtiments français n'avaient ni la portée ni la vitesse pour intercepter les navires allemands. Souchon a donc
réussi passer au travers des mailles du filet et la nuit du 4 août, à 5 heures du matin, il était devant Philippeville. Le «Goeben» pilonna la rade, une heure après le «Breslau»
qui s'était séparé du «Goeben» au soir et avait gagné Bône pour y réaliser une action indépendante. Les bombardements allemands visaient à arrêter les transferts de troupes de
l'armée coloniale française en France métropolitaine.
Suite à
une ordonnance rendue par le premier Lord de l'Amirauté Winston Churchill, la flotte britannique qui avait le contrôle de la mer Méditerranée, sous le commandement de l'amiral Sir Berkley Milne, a commencé
une poursuite impitoyable ciblée à couler le «Goeben» et le «Breslau». l'Amiral Milne a envoyé ses deux croiseurs de bataille les plus forts, l'"Indomptable" et l'"Indefatigable",
à rechercher le "Goeben" et le "Breslau". Les deux bâtiments allemands, à court de combustible, se sont obligés à mouiller pour se charbonner au port de Messine en Italie. Les ordres de Berlin étaient
de rejoindre Constantinople et d'éviter l'affrontement avec les flottes alliées.
Le
"Goeben" mit d'abord le cap au nord-ouest pour tromper les observateurs de la côte. Le Breslau de son côté fit directement cap à l'est et il est arrivé à Messine bien avant le Goeben.. La 1ère
escadre Française qui le cherchait croyait sur la foi des observations depuis la côte que le croiseur de bataille ralliait Alger. Lapeyrère divisa ses forces en deux ailes, mettant cap à l'ouest avec le gros des cuirassés,
tandis que son aile gauche continuait sa route au sud-est avec trois croiseurs-cuirassés dont le "Jules Michelet", l'"Ernest Renan" et l'"Edgar Quinet". Le matin du 05.08.1914, les navires Français n'étaient
qu'à 40 milles - 74 km - du "Goeben". Ce dernier finit par les apercevoir, mais cela ne fut pas réciproque. Les croiseurs de bataille Anglais aperçurent le bâtiment Allemand qui filait vers l'est et changèrent de
cap pour le poursuivre. Seul le Dublin suivit le "Goeben" jusqu'à la hauteur de la Sicile, puis vira de cap à 21h50. Les deux croiseurs de bataille Anglais avaient eux renoncé dès 19h05.
Le ravitaillement à Messine a été compliqué par la déclaration de neutralité italienne le 2
août 1914. Selon le droit international, le séjour autorisé des navires combattants dans un port neutre était limité seulement à 24 heures. Les autorités navales italiennes sympathisantes ont permis Goeben et
Breslau de rester au port pendant environ 36 heures, tandis que les navires s'approvisionnaient en charbon. Ayant achevé leur ravitaillement, à 17 heures du 06 aout 1914, les deux bâtiments allemands levaient l'ancre et se dirigeaient
vers la jetée de Messine, puis prirent le large. Il furent d'abord suivis à distance raisonnable par le HMS «Gloucester», qui s'accrocha, sachant que l'amiral Troubridge venait de l'est avec le HMS «Defence»,
3 autres croiseurs-cuirassés et 8 destroyers. Les Allemands se sont dirigés initialement vers l'Adriatique dans une feinte. Ce mouvement induit en erreur Troubridge, qui a navigué pour les intercepter à l'embouchure de l'Adriatique.
Après avoir réalisé son erreur, Troubridge inversa cours mais il arriva trop tard pour intercepter les navires allemands. Il finit par comprendre que la destination finale de Souchon était vraisemblablement la Turquie, et vira de
cap ; la poursuite recommença. Mais c'est le «Dublin» qui reprit contact le premier. La poursuite continuait, les navires allemands arrivaient à hauteur de Malte. Deux destroyers et le HMS «Gloucester»
surgirent. Les destroyers tentèrent de lancer leurs torpilles, mais furent accueillis par des salves précises et s'éloignèrent. Le «Gloucester» engagea le combat avec le «Breslau»,
mais à l’approche du «Goeben» son commandant décida de s'éloigner prudemment. Désormais plus rien ne pouvait barrer la route de l'escadre allemande de Méditerranée. Le 7 août
1914, les deux bâtiments allemands mouillèrent à l'entrée des Dardanelles.
Les Turcs avaient une piètre marine, mais ils avaient fortifié les Dardanelles de façon à rendre le seul accès à Constantinople et à la Mer noire inexpugnable. Cependant, les Anglais ne renoncèrent pas.
Le seul bâtiment disponible localement, le croiseur «Weymouth», fit irruption à l'entrée des Dardanelles, bien décidé à suivre les navires allemands, mais les Turcs lui barrèrent la route
avec plusieurs torpilleurs. Au soir du 10 août 1914, les deux navires allemands, escortés par des navires turcs, mouillaient à Constantinople. Berlin pour montrer sa bonne volonté à la sublime porte, "offrit" l'escadre allemande
de la Méditerranée au gouvernement turc.
Une fois arrivé, Souchon a offert les
deux navires pour service Ottoman à condition que les Turcs se joignent à la guerre à côté de l'Allemagne. En effet, il s'agissait d'une offre qu'ils ne pouvait pas refuser, car les canons de 28 cm
(11-in) du "Goeben" pourraient facilement tirer sur la Sublime Porte ou tout autre site à Constantinople. Une alliance de défense mutuelle avec l'Allemagne a été signée sans délai. On troquait le
pavillon à croix germanique contre un pourpre à croissant, et Souchon, coiffé du chechia (fez), était nommé par le Sultan "commandant en chef de la marine Ottomane".
Peu après, les noms de ces navires ont été changés de S.M.S. "Goeben" et de S.M.S. "Breslau" à «Yavuz
Sulltan Selim» et «Midilli» (nom turc pour l«Midilli»le grecque de Lesbos/Mytilène) !!! respectivement, alors que l'équipage est resté principalement allemand, mais il portait désormais
des uniformes et des insignes de la marine ottomane. Le commandement des navires est resté sous Wilhelm Anton Souchon, devenu amiral de la marine ottomane et portant le fez. Il convient de souligner que les cuirassés ex-allemands constituaient
pratiquement les seules unités modernes de la flotte turque.
Le 29 octobre 1914, le «Yavuz
Sulltan Selim» bombarde Sébastopol - sa première opération contre l'empire russe - il coule le mouilleur de mines "Prut", et endommage le destroyer "Leitenant Pushchin"; la Russie déclare
la guerre à l'empire Ottoman, suivie par la France et la Grande Bretagne. Le 18 novembre 1914, les deux navires allemands rencontrèrent une vive résistance d’un groupe de cinq pré-Dreadnought russes au large du cap Sarytch
en Crimée. Une salve du batiment russe "Evstafi" sur une des tourelles secondaires du «Yavuz Sulltan Selim» fait exploser des munitions, tue les artilleurs et provoque un feu de casemate tenace. Au cours
de 1916, la flotte a opéré sur la mer noire pour appuyer les troupes turques aux abois sur le front du Caucase, où les Russes l’ont remporté. En 1917, Goeben fut engagé dans deux duels d'artillerie à longue portée
avec le dreadnought russe "Imperatritsa Yekaterina" - seuls combats du "Goeben" avec un autre dreadnought dans sa longue carrière. Les artilleurs russes ont surnommé "Breslau" («Midilli») «le
Plaemyannik» (le neveu) pour son habitude de se cacher derrière son compagnon plus redoutable lorsque le plomb commencait à s'en voler. Les deux navires ex-allemands ont été immobilisés par une pénurie
de charbon pour la plupart de 1917. En octobre de la même année, Kaiser Wilhelm a rendu visite à ses alliés turcs, qui comprenait des inspections des navires allemands qui avaient tant fait pour rendre opérationnelle la
marine turque en Mer noire.
Karl Dönitz - commandant en chef des sous-marins
(Befehlshaber der Unterseeboote) de la Kriegsmarine pendant la Seconde Guerre mondiale et président du Reich dans le gouvernement de Flensbourg, après le suicide d'Adolf Hitler et conformément au testament politique de
ce dernier - fut jeune officier de la Kaiserliche Marine pendant la Première Guerre mondiale. Il a servi sur le croiseur SMS Breslau (qui a bombardé le port de Bône en Algérie) en Méditerranée
et a navigué avec le vice-amiral Wilhelm Anton Souchon dans les Dardanelles et en mer Noire au cours des opérations de l’Escadron "Goeben"-"Breslau" contre la Russie durant la 1ère Guerre Mondiale.
En décembre 1917, l'armistice est signé entre la
Turquie et la Russie. Le 20 janvier 1918 le «Yavuz Sulltan Selim» et le «Midilli», en se dirigeant vers la Palestine, tombent sur un champ de mines, à l'entrée des Dardanellesle. «Midilli» sauta
sur plusieurs mines et sombra. Le «Yavuz Sulltan Selim» sauta sur trois mines et échoua dans le détroit des Dardanelles. Des avions anglais l'attaquèrent sans succès. Le "Turgut
Reis" un vieux cuirassé ottoman, lui aussi ancien allemand, le remorqua jusqu'à Constantinople. Aux termes du traité de Sèvres (1920), le «Yavuz Sultan Selim» devait avoir été remis à
la «Royal Navy» comme réparations de guerre. Mais, en vertu du traité de Lausanne (1923), la Turquie a repris possession de certains de ses navires y compris le «Yavuz Sultan Selim». Le «Midilli»
(ex «Breslau») donne dans un champ de mines au large de l’ile d'Imvros et il est coulé le 20 janvier 1918.
En 1936 le navire a été rebaptisé TCG «Yavuz» et est resté le fleuron de la marine turque jusqu'en 1950. Le navire a été feraillé
en 1973, lorsque le gouvernement allemand a refusé une offre pour le racheter et l'entretenir comme un mémorial. Goeben/Yavuz fut considéré comme le navire de guerre de type "Dreadnought" [1] le plus ancien,
ayant resté près de 50 ans en service actif jusqu'à son retrait en 1960.
Dr. Angel ANGELIDIS
ex-Conseiller au Parlement Européen chargé des Affaires Agro-alimentaires et Forestières
Bruxelles, novembre 2013
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[1] Cf. chapitre "GRECE-HISTOIRE": "L’épopée du croiseur-cuirassé "Georgios Averoff".